La théorie des Wǔ Xíng 五行 (cinq mouvements), est plus qu’un simple système de correspondances systématiques.

Pour des raisons pédagogiques, il est fréquent, lorsque l’on apprend la médecine chinoise, de rencontrer la théorie des cinq mouvements sous forme de tableaux comme celui-ci.

On doit reconnaître que cette modalité d’apprentissage présente l’avantage certain de rendre plus accessibles des notions qui, de prime abord, peuvent paraître complexes ou vagues, en les structurant de façon claire et ordonnée, de sorte qu’elle facilite la rétention d’information.

Néanmoins, il faut prendre garde à ne pas tomber dans l’écueil qui consisterait à voir ce genre de tableau comme une représentation suffisante à circonscrire fidèlement les différents aspects de cette conception.

On confondrait ainsi l’outil pédagogique avec la théorie elle-même, et l’on passerait dès lors à côté de sa signification profonde. 

Un autre schéma que l’on rencontre au moins aussi souvent est l’étoile à cinq branches, dont la forme a pour fonction de révéler le double aspect d’engendrements successifs et de contrôles mutuels qu’entretiennent entre eux les cinq mouvements.

Certains, sous prétexte qu’ils n’en trouvent pas trace dans les textes anciens, y voient une raison suffisante pour affirmer que ce symbole est une construction moderne. Cela importe peu, car cette représentation existe indépendamment de sa figuration explicite par la main de l’homme. En effet, elle constitue simplement l’expression fidèle de certains aspects des cinq mouvements rapportés sur le plan géométrique.

Autrement dit, même si elle n’a pas été présentée telle quelle dans les textes classiques, cette représentation n’en est pas moins légitime, car elle exprime symboliquement une dimension théorique que la tradition véhicule depuis ses origines, et dont la configuration géométrique s’impose d’elle-même, dès lors que le point de vue qu’elle a la charge d’exprimer, n’en permet pas d’autres.

Pour autant, et pour les mêmes raisons que le tableau vu précédemment, cette image ne doit pas être prise pour une forme suffisante à épuiser la totalité des points de vue contenus dans cette théorie.

Nous allons justement voir que l’aspect qui lui fait défaut figure parmi les plus essentiels.

À l’origine, les cinq mouvements (wǔ xíng 五行) sont indissociables du yīnyáng (阴阳), dont ils constituent en fait le point de vue échelonné selon ses quatre phases successives : ascension (shēng 升), émergence (fú 浮), descente (jiàng 降) et immersion (chén 沉), se déployant autour d’un centre dynamique appelé Terre (tǔ 土) ou force centrale (zhōnglì 中立).

Les cinq mouvements que sont le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau sont des substrats propres à synthétiser les composantes de la nature, tangibles ou intangibles, lesquelles se rattachent nécessairement à l’un des cinq aspects du yīnyáng (阴阳) : ascension, émergence, descente, immersion et centralité.

“五行者，阴阳二气整个升浮降沉中的五种物质。”

« Les cinq mouvements désignent les cinq types de substances présents dans le cycle complet de montée, flottation, descente et enfoncement du yin et du yang. » — Péng Zǐyì (彭子益)

Il apparaît donc assez clairement que cette conception ne doit pas être réduite à un simple outil classificatoire, ni à un système visant à émettre des correspondances plus ou moins arbitraires entre différents éléments apparemment hétérogènes.

Cette théorie décrit en réalité un processus cosmologique qui nous révèle l’unité présidant à l’apparente multiplicité de tous les éléments de la nature.

Ainsi, pour donner un exemple concret, il serait tout à fait insuffisant de parler d’une simple association entre l’automne et le poumon. Car, selon la théorie du yīn yáng (阴阳), l’automne et le poumon participent d’un seul et même mouvement de contraction et de descente, chacun à son niveau et selon l’échelle de son domaine respectif.

Autrement dit, il n’y a pas simple association entre ces deux agents, mais identité, sous le rapport de ce mouvement de contraction yin dont ils sont tous deux une forme d’expression particularisée.

Ce point de vue est très justement mis en avant par cette représentation en croix des cinq mouvements, dont la forme circulaire est symboliquement la plus à même de souligner le caractère synthétique de cette théorie.

Simon Richard - Acupuncture Bordeaux.